Un chat noir traverse la rue… vous hésitez à avancer? Depuis des siècles, ces félins élégants sont enveloppés d’un voile de mystère. Porte-bonheur pour certains, présage de malheur pour d’autres, leur histoire est un fascinant mélange de culte, de peur et de légende.
Remontons le fil du temps pour découvrir comment un simple pelage noir a pu susciter tant de passions.
Les origines du mythe
L’Égypte ancienne: quand le chat noir était un dieu
Dans l’Égypte ancienne, les chats noirs étaient sacrés et protégés par la loi. La déesse Bastet, symbole de la maison, de la fertilité et de la protection, était souvent représentée sous la forme d’une lionne ou d’un chat noir. Faire du mal à un chat, quel qu’il soit, était un crime sévèrement puni — parfois même de mort.
Ces félins incarnaient la grâce, la puissance et la bienveillance des dieux. Ils étaient embaumés, pleurés et honorés comme des membres de la famille.
Au Japon: le chat noir, messager de chance
À l’autre bout du monde, le folklore japonais voit le chat noir d’un tout autre œil. Symbole de chance, surtout pour les femmes célibataires, il attirerait les bons prétendants. Le célèbre Maneki-neko, la statuette du chat porte-bonheur, apparaît parfois en noir pour éloigner les mauvais esprits et protéger des maladies.
Du sacré au maudit : le Moyen Âge et la peur du diable
Au fil des siècles, l’image du chat noir s’est assombrie en Europe. En 1233, le pape Grégoire IX publie la bulle Vox in Rama, un décret associant les chats noirs aux rites sataniques. On les accuse d’être les compagnons du diable, et cette idée se répand à travers tout le continent.
La peste noire: une peur mal dirigée
Au XIVᵉ siècle, la peste noire dévaste l’Europe. Ignorant que la maladie provenait des puces de rats, les populations paniquées accusent les chats — surtout les noirs — d’être responsables du fléau. Ironie tragique: leur extermination favorise la prolifération des rats, et donc, la propagation de la peste. Ce malentendu renforce encore l’image démoniaque du chat noir.
Les sorcières et leurs “familiers”
Entre le XVe et le XVIIIe siècle, l’Europe et l’Amérique coloniale plongent dans la terreur de la sorcellerie. Les femmes indépendantes, guérisseuses ou simplement marginales, sont accusées de pactiser avec le diable.
Le chat noir devient alors le “familier” par excellence — un esprit maléfique aidant les sorcières à jeter des sorts. En posséder un suffisait parfois à être condamné. Des milliers de femmes et d’animaux périssent ainsi, brûlés ou pendus au nom de la superstition. L’image de la sorcière et de son chat noir, encore présente dans l’imaginaire d’Halloween, tire ses racines de cette époque sombre.
L’Amérique coloniale: la peur du diable renaît
Au XVIIᵉ siècle, dans la Nouvelle-Angleterre puritaine, la peur du péché domine. Tout ce qui échappe à la norme est suspect: comportements étranges, maladies inexpliquées… ou chats noirs.
Lors des procès de Salem, certains témoignages affirment même avoir vu des chats noirs se transformer en femmes — preuve, croyait-on, de leur nature démoniaque. Le mythe du chat noir “sorcier” traverse ainsi l’Atlantique.
Des bûchers à Halloween : la métamorphose d’un symbole
Au XIXᵉ siècle, les États-Unis popularisent Halloween et son imagerie : citrouilles, sorcières, balais et… chats noirs.
Démoniaque autrefois, le chat noir devient désormais un symbole de mystère et de magie. Mais s’il a gagné une place dans la culture populaire, sa réputation ambiguë n’a jamais totalement disparu.
La science derrière le pelage noir
Sous la légende, il y a aussi de la biologie.
La couleur noire du pelage est causée par une mutation génétique liée au gène melanocortine 1 receptor (MC1R), responsable de la production de mélanine. Ce pigment donne non seulement la teinte sombre du pelage, mais pourrait aussi offrir une meilleure résistance à certaines maladies — notamment au VIH félin (FIV).
Les scientifiques soupçonnent que cette mutation confère un avantage immunitaire, ce qui expliquerait pourquoi le noir est une couleur courante chez les chats domestiques et sauvages.
Autre particularité : sous un éclairage fort, beaucoup de chats “noirs” révèlent en réalité des reflets roux ou chocolat. Leur noirceur n’est donc pas toujours absolue!
La discrimination des chats noirs dans les refuges
Aussi étrange que cela paraisse, la superstition persiste encore aujourd’hui.
Dans les refuges comme le nôtre, les chats noirs sont souvent moins adoptés. Plusieurs raisons expliquent ce triste constat :
- Leur couleur rend leurs expressions plus difficiles à photographier (et donc à promouvoir sur les réseaux sociaux).
- Certains adoptants les jugent encore “menaçants” ou “malchanceux”.
- D’autres préfèrent simplement des chats à motifs plus visibles.
Heureusement, de nombreuses campagnes de sensibilisation — comme le “Black Cat Appreciation Day” aux États-Unis ou les initiatives d’adoption spéciale Halloween — visent à réhabiliter ces félins injustement ignorés.
Les chats noirs aujourd’hui: entre superstition et réhabilitation
De plus en plus, le chat noir est célébré pour ce qu’il est vraiment: un compagnon élégant, affectueux et mystérieux. Dans certaines cultures, il est même symbole de prospérité — au Royaume-Uni, croiser un chat noir est un signe de bonne fortune, et offrir un chat noir à une mariée apporterait bonheur et amour.
Ces félins ne sont plus les ombres du passé, mais des ambassadeurs de la beauté et de la résilience.
Alors, la prochaine fois qu’un chat noir croise votre chemin… souriez-lui. Il se pourrait bien qu’il vous porte chance.